samedi 3 mai 2008

Mai 68, une fronde très française

Les Français cultivent avec délice leurs divergences sur l’interprétation de l’histoire. Les « événements » de Mai 68 n’y échappent pas. Si chacun en a une lecture personnelle et professe des opinions bien arrêtées sur les causes et les effets de cette révolte, tout le monde se met au moins d’accord sur un point : Mai 68 constitue un tournant.
Ce fut d’abord un soulèvement très français, plutôt intellectuel au départ, avec une touche récréative et festive. Lancée et alimentée par des étudiants révolutionnaires qui ne voulaient pas le pouvoir, cette fronde s’interrompit et bascula très précisément au moment où elle se prit pour une révolution politique. Ce qu’elle n’était pas. Tout s’est arrêté lorsqu’il y eut un risque de guerre civile.
Mai 68 fut d’abord un grand souffle qui a bousculé les habitudes, les faux-semblants, les rapports de force. Cette agitation étudiante, relayée ensuite par les syndicats, a réveillé une génération endormie qui tenait sa légitimité politique de ses hauts faits de Résistance. Mais c’était déjà ancien, le général de Gaulle, né au siècle précédent, courait vers ses 78 ans.

Que reste-t-il de mai 68 ?
Mai 68 a donné une conscience politique à toute une France qui, disait-on, s’ennuyait. Ce fut un grand remue-méninges et en cela un moment exaltant d’interrogation, de remise en question personnelle. Quasiment aucune institution n’échappa à cette introspection. Pas plus l’Église que la presse, pas plus l’école que la famille.
Que reste-t-il de tout cela ? C’est la question que nous nous sommes posée. Ce numéro tente d’apporter quelques réponses. On sait qu’en politique, Mai 68 a fait… pschitt, parce que le général de Gaulle n’était pas seulement un grand stratège militaire mais un politicien hors pair qui « sentait » la France.
Nous nous attardons davantage sur les conséquences de Mai 68 au niveau de la famille, de l’école, des rapports humains, de la culture et de l’Église. Mai 68 a en partie détruit les fondements de la société de l’époque. Qu’a-t-il reconstruit ? Peu de choses, parce que c’était d’abord un soulèvement, une protestation. Ses traces sont ailleurs. Sûrement plus fondamentales. Dans la manière d’être soi-même et avec les autres.
Dominique GERBAUD (La Croix 02/05/2008)

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