lundi 5 mai 2008

Les archives oubliées de la Wehrmacht

Le Figaro 02/05/2008

EXCLUSIF – Environ 350000 clichés de la propagande de l’armée allemande sont conservés au fort d’Ivry depuis 1947. Des images inédites qui constituent une mine documentaire d’une qualité exceptionnelle.

AVANT LA BATAILLE - En 1944, le maréchal Rommel examine ses « asperges » anti-débarquement sur une plage normande. La seule chance de l’Allemagne : faire échouer l’assaut allié en France. Le destin va en décider autrement... (ECPAD)




GOEBBELS, L’HOMME DE LA PROPAGANDE - La guerre totale se joue sur tous les terrains. En octobre 1939, après la capitulation polonaise, Goebbels, le maître propagandiste du IIIe Reich, reçoit à son ministère un officier de la Luftwaffe Propaganda Kompanie 1, une des quatre unités de guerre et d’action psychologique de l’armée de l’air. Par convention passée fin 1938, les PK dépendent du haut état-major des forces armées, l’OKW, et non de Goebbels. Leurs effectifs grimperont jusqu’à 15 000 hommes pour les trois armes (terre, air et mer). (ECPAD)



LE PHOTOGRAPHE PHOTOGRAPHIÉ - Après la capitulation polonaise, un membre de la 1re LWKBK (Compagnie des reporters de guerre) de l’armée de l’air, celle de Berlin, pose pour un de ses camarades sur une barricade, vestige des combats dans la banlieue de Varsovie. Un sourire de vainqueur, une allure d’acteur de cinéma américain, un Leica de chasseur d’images. Le cliché original était en noir et blanc. Nous l’avons colorisé pour les besoins de la couverture du « Figaro Magazine », ce qui en accentue le caractère très moderne. (ECPAD)




DES ALLEMANDS EN TERRE ANGLAISE - Un humour de circonstance qui n’a certainement pas fait rire les Anglais. Dans les îles anglo-normandes occupées dès juillet 1940 par les Allemands, le soldat allemand et le bobby cohabitent tant bien que mal devant l’objectif. Le moyen de faire autrement ? Compte tenu de la densité des occupants, toute résistance semble impossible. Jersey et Guernesey devaient servir de rampe de lancement à l’opération Lion de Mer, le débarquement de la Wehrmacht en Grande-Bretagne, qui n’a jamais eu lieu. (ECPAD)





L’AXE ARABE - Après le débarquement allié en Algérie et au Maroc, le 8 novembre 1942, le IIIe Reich contre-attaque en occupant la Tunisie à partir du 9. En France comme en Afrique du Nord, l’Allemagne lève des volontaires parmi les nationalistes maghrébins dont beaucoup, séduits par la propagande nazie (« Le mouvement de libération arabe est notre allié naturel », Hitler dixit), jouent la carte de l’Axe. Ici, une recrue intègre la section d’instruction germano-arabe. Le casque, l’uniforme et l’instructeur sont allemands. (ECPAD)






CAMPAGNE DE FRANCE - Cette photo a sans doute été prise le 15 mai 1940. Le sort de la campagne de France est en train de se jouer. Voilà six jours, ces tankistes et ces motocyclistes étaient encore basés à l’est de Coblence, et ils viennent de traverser la Meuse ! Leur 10e division Panzer couvre le flanc sud du corps blindé Guderian. Elle rencontre une vraie résistance, essuie de sérieuses pertes. Tandis que leurs prisonniers français (à droite de la photo) marchent dans l’autre sens, les Allemands progressent quand même vers l’intérieur. (ECPAD)







POUR QUI SONNE LE GLAS - Le clairon allemand sonne la débâcle française. Un cliché symbolique : droit dans ses bottes, le vainqueur occupe le devant de la scène tandis qu’on distingue un vaincu à l’arrière-plan. La photo a été prise fin mai 1940 dans le village de Thulin, entre Mons et Valenciennes. L’armée belge et son roi ont capitulé ; la première phase de la bataille de France s’achève. Hitler, qui a stoppé ses chars tant ils progressaient vite puis repris leur mouvement trois jours après, ramasse ses forces pour le coup de grâce. (ECPAD)



LA CHUTE DE DUNKERQUE - Dunkerque, où la Royal Navy organisait l’embarquement vers l’Angleterre des débris du corps expéditionnaire britannique en France et d’éléments de l’armée française (330 000 hommes en tout entre le 29 mai et le 4 juin), reste un des hauts lieux de la bataille de France. Ce cliché témoigne de l’âpreté des combats autour du grand port. Pour avancer sur la départementale 947, les Allemands ont fait le « ménage », poussant tout ce qui gênait – véhicules et animaux morts – dans le polder inondé par les Français le 20 mai. (ECPAD)



EN MARCHE VERS LA CAPTIVITÉ - Près de 2 millions de prisonniers : la bataille de France (ici dans la région de Sedan) débouche sur un désastre pour nos armes. Débordés, démoralisés par les rumeurs de trahison, persuadés qu’ils seront bientôt de retour chez eux, beaucoup d’hommes ont levé les bras. Faute d’effectifs disponibles, le vainqueur a bien du mal à « gérer » cette masse de captifs qui, la mine basse, traînent leurs bandes molletières le long des routes. Mais d’autres soldats français vont combattre jusqu’au bout en héros. (ECPAD)




LA FIN DES ILLUSIONS - Le photographe d’une PK capte cette scène de la fin de la campagne de France où un capitaine de chasseurs alpins allemand, reconnaissable à sa coiffure de montagne réglementaire, la « gebirgsmütze », s’entretient « entre soldats et dans l’honneur » avec des officiers français prisonniers. L’image délibérée d’une guerre « propre » où les vainqueurs restent « corrects » et les vaincus, captifs mais pas humiliés. En six semaines de combat, les Allemands ont tout de même eu 49 000 tués pour 92 000 morts français. (ECPAD)





PARIS, VILLE OUVERTE - C’est l’été, ou peut-être le début de l’automne 1940. L’Allemagne vient de gagner la bataille de France. Ses soldats arpentent les rues parisiennes à la recherche de souvenirs, de bonne chère, voire de bonnes aventures. Conformément à la consigne de leurs chefs – « montrez-vous débonnaires » –, ces hommes de la Wehrmacht semblent chercher à se fondre dans le paysage montmartrois. Mais les photos ne disent pas tout. Comment interpréter l’attitude des deux femmes qui promènent leur chien : indifférence, mépris, complaisance ? (ECPAD)




TRISTE PONT D’AVIGNON - A l’été 1943, un équipage de bombardiers de la Luftwaffe en goguette visite le palais des Papes et pose devant le pont d’Avignon. Il fait chaud. Plus tard, les aviateurs en balade iront se baigner entre copains. Heureux comme Dieu en France ? Beaucoup plus que sur le front russe en tout cas. Malgré l’action de la Résistance, les maquis naissants, les attentats communistes et l’hostilité populaire croissante, la France reste encore un pays relativement calme. Assez pour que ses occupants puissent s’y livrer aux joies du tourisme... (ECPAD)





LA MARINE BAISSE PAVILLON - En représailles au débarquement allié en Afrique du Nord, les Allemands envahissent la zone non occupée. Mais le 27 septembre 1942 au petit matin, les Allemands arrivent trop tard à Toulon : sur ordre de l’amiral de Laborde, chef de la force de haute mer, la flotte française est en train de se saborder. Cueilli dans son lit, le vice-amiral Marquis, préfet maritime de la 3e Région, est fait prisonnier au fort Lamalgue. Seul vestige de la « souveraineté » de Vichy, des marins français présentent les armes. A qui ? (ECPAD)




LA COLLABORATION À L’OEUVRE - Décembre 1943. Cambrai est occupée depuis trois ans et demi. Le personnel français de la défense civile prépare un exercice d’évacuation avec les Allemands, maîtres du jeu, sous l’oeil de deux gendarmes. Un raccourci photographique de l’ambiguïté de ce tempslà : les Français proposent et les Allemands décident. La juxtaposition des deux uniformes et l’impression de travailler à une oeuvre commune peuvent choquer, mais le vainqueur comme le vaincu ont le même intérêt à minimiser les pertes dans la population. (ECPAD)



ZONE LIBRE SOUS SURVEILLANCE - Le long des côtes des Bouches-du-Rhône entre La Ciotat et Les Lecques, des soldats de l’infanterie coloniale prisonniers de guerre effectuent des travaux de fortification sous l’oeil d’un sous-officier français. En ce printemps-été 1943, il s’agit de s’opposer à un éventuel coup de force allié qui ne se produira qu’un an après, avec le débarquement en Provence. Division du travail : le gradé français surveille de près les manoeuvres indochinois à la tâche tandis que la sentinelle allemande regarde dans le lointain. (ECPAD)





LE MARTYRE DE LA NORMANDIE - La bataille de Normandie n’a pas été une partie de plaisir pour les Alliés, contraints de piétiner dans le bocage jusqu’à la percée américaine sur Avranches, le 31 juillet. A Lisieux, à demi détruite par les bombardements et les combats, un soldat allemand sur son cheval, fin août. Quatre ans de guerre ont usé le potentiel motorisé de la Wehrmacht. Le temps des grandes chevauchées de panzers de mai-juin 1940 fait figure de préhistoire, et les blindés sont devenus une proie facile pour les chasseurs-bombardiers alliés. (ECPAD)





DANS LE PIÈGE DE FALAISE - Lisieux encore. Un motard de la division blindée SS Adolf-Hitler s’enquiert de son chemin auprès d’un « Feldgendarme », reconnaissable à sa plaque métallique autour du cou. Sur fond de ruines, le poteau indicateur montre la direction de Caen, que les Alliés devaient prendre au premier jour du Débarquement et qui a résisté un mois, et de Falaise, où une terrible bataille oppose à la mi-août les Américains aux unités de la Wehrmacht et des SS encerclées. 45 000 Allemands parviendront néanmoins à évacuer le « chaudron de Falaise ». (ECPAD)


LA DERNIÈRE DANSE - Fondée par un héros de l’Armée rouge « retourné » après sa capture, le général Andreï Vlassov, l’armée russe de libération n’inspirait aux Allemands qu’une confiance relative. De crainte d’y voir renaître un sentiment national russe, ils ont préféré la disperser comme simple force auxiliaire sur divers fronts. Capables d’atrocités révoltantes, mais aussi, parfois de gestes humains, des vlassovistes comme ceux qu’on voit danser sous l’oeil d’enfants français, ont opéré comme supplétifs en Normandie, dans le Sud-Ouest et la région du Vercors. (ECPAD)




D’UNE DÉBÂCLE À L’AUTRE - Partout les Alliés progressent : pas d’autre solution que la retraite. En cette fin août 1944, tous les moyens sont bons pour tenter de sortir de la nasse normande et traverser la Seine. Près de Rouen, des soldats allemands tirent péniblement un camion. Une scène qui rappelle la débâcle française de 1940, en sens inverse cette fois. En raison de la rigidité des plans alliés et de leur manque de confiance dans les capacités de la Résistance, plus de 200 000 Allemands vont quand même parvenir à évacuer la France. (ECPAD)



LA WEHRMACHT AU TAPIS - Les armées n’aiment pas beaucoup photographier leurs morts. C’est pourtant le cas ici fin août 1944, avec ces deux cadavres allemands dans Rouen dévastée par les combats. Malgré une résistance énergique de la Wehrmacht, le rouleau compresseur allié, favorisé par la maîtrise des airs, écrase tout sur son passage. Mais l’aviation agit moins efficacement en milieu urbain, où tout finit par le combat homme contre homme. Décimés mais pas en déroute, les Allemands parviennent à limiter les dégâts. La guerre va encore durer huit mois. Texte : Rémi Kauffer - historien (dernier ouvrage paru sur la Seconde Guerre mondiale : Le réseau Bucéphale, Seuil). (ECPAD)

Aucun commentaire: