mercredi 9 avril 2008

JO : pas de provocation inutile

Le départ de la flamme, lundi, à Paris.


L'éditorial d'Yves Thréard du 8 avril. Le Figaro

L'olympisme, ses valeurs et ses symboles ont été mis à rude épreuve, hier à Paris. C'était prévisible tant les Jeux de Pékin rencontrent d'opposition, notamment en France. Le passage de la flamme s'annonçait périlleux. Finalement, il fut plus que cela. En un mot, un fiasco.
Si les manifestants ont réussi leur coup, les pouvoirs publics ont été débordés. L'important dispositif de sécurité prévu pour résister aux assauts des trouble-fête était inadapté. Pauvres sportifs français dont le relais s'est transformé en un chemin de croix sous les huées, les quolibets et les sifflets de foules en colère. Otages d'une polémique dont ils ne sont pas responsables, ils étaient en plus les cibles d'un mouvement incontrôlé. Il y a là beaucoup à redire sur l'organisation de cette journée. Devait-elle seulement avoir lieu ?
Le plus regrettable, c'est que, dans leur pays, les Chinois n'en auront rien vu. À l'heure de la globalisation de l'information, l'empire du Milieu reste imperméable au reste du monde. Les images y sont censurées, les réseaux numériques étroitement surveillés. Pire, le régime de Pékin va se servir de ce tohu-bohu Londres, puis Paris, bientôt San Francisco pour resserrer encore les fils de son impitoyable dictature. Les Tibétains en souffriront, mais aussi ces millions de Chinois maintenus dans la peur et dont le nationalisme est exalté comme un antidote à toute influence extérieure dès qu'une menace se profile. Hier, vu de Chine, ce ne sont pas des militants des droits de l'homme qui ont manifesté, mais de dangereux sauvages, sans éducation ni morale. Des ennemis du sport, de la paix, de la fraternité. À l'arrivée, le message sera donc l'inverse de celui adressé.
Alors fallait-il souhaiter pareille démonstration de mauvaise humeur ? Au-delà des tentatives de récupération à des fins de politique intérieure quelques socialistes s'y emploient , on sent bien que «l'affaire» des JO de Pékin ne va cesser d'enfler d'ici au mois d'août. La France est en première ligne sur la scène internationale.
L'association Reporters sans frontières est très active : elle s'est illustrée à Olympie, au départ de la torche. Le débat gagne en intensité dans l'opinion publique, peut-être plus qu'ailleurs. Les sportifs tricolores sont à l'origine d'un badge «Pour un monde meilleur» qu'ils veulent rendre universel. Paris, son maire en tête, même si le rendez-vous a été annulé, a accueilli la flamme avec hostilité. À l'Assemblée nationale, le groupe d'amitiés France-Tibet est passé, en quelques jours, d'une soixantaine de députés à plus de cent vingt membres. Enfin, Nicolas Sarkozy fut le premier des chefs d'État à menacer de boycotter la cérémonie d'ouverture. Promu président de l'Union européenne le 1er juillet, il aura une mission bien délicate : tenter de faire parler d'une seule voix les Vingt-Sept.
Certes, la patrie des droits de l'homme peut se targuer d'être fidèle à son héritage. Mais le chemin qu'elle montre est-il le plus approprié pour toucher son but ? Le président de la République a raison d'avancer à pas comptés, de ne pas abattre toutes ses cartes, de ne pas poser de conditions d'emblée. Toute provocation inutile risquerait d'envenimer le dialogue avec Pékin. Or, si l'on veut que ces Jeux servent la cause du peuple chinois, le mieux est précisément d'essayer d'interpeller ce dernier une fois sur place. En trouvant la forme.

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